Extrait d'un article du 18 août :
"L'enfer...
Retour dans l'ASM. On commence à envisager la possibilité de manger lorsque nous sommes appelés pour un "malaise femme 79 ans avec hyperthermie dans une maison de retraite". Arrivé devant la maison de retraite (non médicalisée) on constate qu'elle chevauche deux rues et que l'on nous a donné la mauvaise adresse, il faut traverser tout le bâtiment. Les aides soignantes ne sont pas stressées et la plupart se demandent ce que nous faisons ici. Traverser les différentes salle se révèle être une épreuve : il y a des petits vieux abandonnés sur des fauteuils roulant au milieu des couloirs, ils sont maigres, si maigres... Je ne peux m'empêcher de penser à un mouroir. Finalement nous pénétrons dans la chambre de la personne souffrante. Je suis pétrifié par ce que je vois : une vieille dame, tellement maigre, il n'y a plus que de la peau sur ses os, vêtue seulement d'une culotte, en train de convulser sur son lit en poussant des gémissements de douleur. Il fait une chaleur épouvantable dans la pièce, une odeur de transpiration et d'urine nous prend à la gorge. La dame souffre de la maladie de Parkinson et est en pleine crise. EQ1 tente de calmer la personne et de lui soutirer quelques informations, mais elle a le plus grand mal à parler et chaque mot est un cri, un effort. Elle semble avoir énormément de mal à respirer et chaque inspiration est une lutte. Elle est brûlante, j'arrive tant bien que mal à lui prendre la température sous le bras, un bras si fin que l'on a peur de le casser, un bras qu'il faut empêcher de bouger. Ses mouvements sont incontrôlés, la dame ne dirige plus son corps, le thermomètre ne trouve pas assez de chair pour rester calé sous son aisselle. Finalement après bien des efforts, le verdict tombe : 41°C ! Elle est terriblement déshydratée, EQ2 ordonne à une aide soignante d'apporter des glaçons, des serviettes humides, n'importe quoi de frais. Il n'y a pas de glaçon dans l'établissement, le lit est trempé de sueur, on commence à lui appliquer des serviettes humides pour faire baisser sa température. Pendant qu'EQ1 tente en vain de prendre la ventilation et sa tension, son bras étant si maigre que nous devons utiliser du matériel pédiatrique, EQ2 me prépare la bouteille d'O2 et le masque. Catastrophe : il n'y a pas de masque 100% ! Ces masques s'attachent sur la tête de la victime et permettent de libérer un équipier. Je vais devoir lui plaquer le masque manuellement sur le visage jusqu'à l'arrivée du SMUR qui a été appelé, la situation étant grave et la victime intransportable en l'état. Son poul est de 94, son taux d'O2 dans le sang de 83, mauvais, très mauvais. Je lui plaque le masque sur le visage, elle se débat, je lui explique doucement ce que je fais, pourquoi je le fais, essaie de la rassurer. Ses yeux expriment la peur, l'incompréhension : elle ne sait pas ce qu'il se passe mais comprend que c'est grave. Elle a peur, très peur. "Quel est son prénom ?". L'aide soignante ne le sais pas, va chercher dans son dossier. Simone. "C'est un joli prénom madame, ouvrez les yeux, regardez nous, regardez la jeune fille, on voudrait voir vos yeux, voilà, merci !". Lui parler, il faut lui parler en permanence, garder son attention. Au loin j'entends quelqu'un qui appelle la fille de la dame, "votre mère va mal, il faudrait que vous veniez". Son taux d'O2 remonte, 92% maintenant, c'est mieux. Je parle toujours avec elle, lorsqu'un mouvement de bras arrache le masque et sa sonde qui donne son poul et sa saturation. EQ1 se bat pour lui remettre, je replace le masque. 87%, c'est mauvais, c'est retombé. Je plaque le mal un peu plus fort sur son visage. "Cela ne vous fait pas trop mal, vous vous sentez un peu mieux ?". Elle me désigne le masque d'un doigt, faisant un gros effort pour contrôler son bras. Je ne peux rien faire, ce maudit masque doit rester en place. La température est tombée à 40°C. C'est mieux, mais critique (...)."
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