"Elle souffle dans mon oreille en rigolant. Durant un instant le bourdonnement s apaise. Je m accroche à ses mots, comme à un grappin lancé contre les parois pour sortir d un trou horriblement noir.
_ Ma mère a l air en forme, murmure-t-elle pour n être entendu que de moi. Tu vois, tu t es inquiété pour rien
Mon trou noir a le confort d une bulle. C est le paradoxe. Je suis comme tout le monde, s il avait le confort d un cachot féroce, je ne m y laisserai pas aussi facilement emporter.
Reprendre la parole. Sortir de terre.
_ Tant mieux. Tant mieux, dis-je. Tu as raison, je m inquiète de trop parfois.
Elle me prend la main. Elle m emmène dans le salon où son père vient à ma rencontre. Il m échange une poignée de main. Il tente de ma parler. C est assez terrible sur le moment. Je réponds simplement que je vais très bien. En esquissant un sourire. Il prend un air sombre, soucieux même. Mais il n est pas de ces personnes impudiques qui ont dans ce genre de moment l outrecuidance de répondre gravement : « On ne dirait pas ». Il fait mine de croire, il dit « tant mieux tant mieux ».
Nous nous comprenons assez bien dans l ensemble lui et moi. Il y a même probablement quelque chose de semblable en nous. Sans doute que pour le savoir je devrais demander à Laurie. Il s agit de son père, il s agit de moi après tout.
Il me sert un whisky bien serré. De la main je réponds que j accepte deux glaçons. Nous trinquons tous les quatre installés autour de la table basse. La mère de Laurie nous regarde avec cet air protecteur qu elle a souvent. Elle nous observe aussi. Elle semble chercher si tout va bien pour nous. J essaie de paraître sinon heureux, au moins toujours aussi proche d elle. Je cherche sa main à tâtons. Je caresse ses phalanges sur le cuir beige du canapé. Elle saisit mes doigts à son tour. Nous reposons nos deux mains enlacées entre nous deux. Le pur malt me monte au cerveau. Il me réchauffe. Lors de mes crises je ne connais pas de meilleur remède. Je vais mieux. Il me semble reprendre des couleurs. Il me semble que mon visage se détache enfin de la couleur de la banquette."
Posté le 29 décembre 2003.
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