"Communion
M. est très croyante et pratiquante. Elle fêtait Noël ce soir sur mon lieu de travail en compagnie de sa mère, tandis que je le fêtais de mon côté avec des jeunes qui n'avaient pas la possibilité de rentrer chez eux.
Elle est venue me voir au bureau en début de soirée, et après m'avoir posé une question anodine elle s'est mise à me parler de sa mère ; je sentais que c'était un sujet douloureux, si bien que je n'ai pas été surpris quand elle s'est mise à pleurer. Elle me disait : "On fête Noël ce soir, mais après tout sera de nouveau comme avant. Heureusement il y a la messe de minuit, il y a au moins ça de beau !". Puis au milieu de ses larmes elle a ajouté : "Parfois je me demande si la foi n'est pas faite pour les faibles".
Elle qui ne passe pas une journée sans parler du Christ, de l'amour de Dieu, à chaque fois de façon plus passionnée, avec le regard pétillant et une conviction qui force le respect, elle donc, venait me confier sa faiblesse en cette nuit de Noël ; j'ai pris ses confidences comme un cadeau... sûrement que ç'en était un, quelque part.
Elle est partie un instant, puis est revenue me voir. Elle avait du pain béni dans la main. Elle m'a dit : "C'est une tradition chez nous : à Noël, on partage le pain en se souhaitant les voeux ; et surtout, ceux qui ont eu des disputes se pardonnent mutuellement. Tu veux le faire avec moi ?"
J'ai accepté. Elle a cassé un morceau du pain et m'a invité à faire de même. Ensuite, elle m'a longuement parlé, m'a souhaité ses voeux, et m'a donné le petit morceaux de pain béni, que j'ai mangé. Enfin, ce fut mon tour de parler, et le sien de manger le morceau de pain que je lui tendais.
Ce que je vivais avec elle en cet instant était rare, je le savais. Il s'agissait d'un échange très intime, elle me parlait de sa foi et me proposait le partage, à moi qui ne peut pourtant pas la suivre dans ses croyances avec la fougue dont elle fait preuve. Mais en dehors de tout Dieu, de toute religion, il y avait entre nous une source commune, un puit d'amour qu'il fallait combler ; alors, tombant dans les bras l'un de l'autre nous nous sommes serrés très fort, avec dans le coeur cet élan d'amour qui nous submerge parfois lorsque les mots ne suffisent plus.
Je peux dire que ce soir, j'ai aimé quelqu'un. Je peux dire que ce soir, j'ai vécu quelque chose que je ne vis pas tous les jours."
Posté le 25 décembre 2003.
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