Blogue d'actualite du blogue et d'ailleurs sur le Web... Blogue mémoire en ligne depuis 2003... Précurseur en son genre, ce "blogue de liens" existe depuis la nuit des temps (en âge blogosphèrique). À sa naissance il participa aux grandes lignes de l'infernale blogosphère, puis des remous virtuels le firent tanguer sans arriver à le faire sombrer. Il se retrouva en ces eaux paisibles d'où il vogue désormais sans peine ni tracas...

05 mars 2004

Le billet du jour

Du blog Journal de l'autre bord :
"Il m'est revenu en mémoire, si des fois j'avais pu l'oublier, ce à quoi se résumait adolescent mon univers palpable, mon repère physique, mon antre de môme décidément indésirable.

Un lit pliant, parqué dans la froideur humide d'un garage gâtinais, un lit sur roulettes, comme ma présence qu'ils auraient certainement aimé déplacer de leur petit quotidien. Un foutu et improbable couchage aux ressorts épuisés avec dessus, lové sous l'oreiller, comme une réminiscence d'un passé insouciant, mes oursons d'enfance, Oscar et Bambi. C'était quasiment là tout mon avoir, transbahutable à pas d'heure en fonction de leur bon vouloir.

Voilà cinq années dans une cuisine, de quinze à vingt printemps, où chaque seconde de chaque jour me rappelait que je n'avais décemment pas ma place dans leur univers. Le cheveu sur leur soupe, le trop de sel dans leur assiette fiscale, il n'y avait pas assez d'argent pour changer de demeure et assumer, à l'instar de mon père alimentairement obligé, un confort quasiment syndical. Il était cependant naturel de vivre sur un grand pied, sans se cacher de quoi que ce soit, bien au contraire. De relais et châteaux en Ritz, de folies consommatrices en vacances dispendieuses, j'ai vu les trains de vie de ma mère et de mon beau-père s'arrêter dans les gares les plus luxueuses, filer chaque fois vers des destinations toujours davantage VIP.

Le pire, c'est que je n'ai jamais su trouver cela anormal que de devoir être bizarrement sacrifié et attendre chaque jour des vingt-deux heures minimum pour disposer d'un coin de table, pour travailler mes matières, apprendre mes cours enfin seul et demeurer, contre toute attente, le major de mes classes. J'aurai même fini comme bachelier étiqueté mention très bien. Comme quoi...

J'avoue donc avoir copiné avec le frigidaire, témoin muet d'instants chavirés, de rêves interdits, ce confident ménager de mes années délicates. Il aura su éclairer mes nuits, dans des odeurs de céleri et de reblochon, en un froid ronron, les instants où j'en ouvrais la porte pour y voir davantage clair. Hanter une cuisine, c'est l'assurance de se faire parasiter nombre de sommeils par l'incursion tout ce qu'il y avait de plus sans-gêne de soiffards déshydratés, de ne jamais dépasser les réveils du soleil, de devoir se lever avec sa cour indésirable qui vous presse de déguerpir au plus pressé (...)."

Posté le 4 mars 2004.

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