Blogue d'actualite du blogue et d'ailleurs sur le Web... Blogue mémoire en ligne depuis 2003... Précurseur en son genre, ce "blogue de liens" existe depuis la nuit des temps (en âge blogosphèrique). À sa naissance il participa aux grandes lignes de l'infernale blogosphère, puis des remous virtuels le firent tanguer sans arriver à le faire sombrer. Il se retrouva en ces eaux paisibles d'où il vogue désormais sans peine ni tracas...

18 juillet 2003

@ L'affaire du blog d'Aglaia
L'affaire commence à faire du bruit dans la blogosphère francophone... On avait déjà connu ça à plusieurs reprises dans le monde anglo-saxon, rassurons-nous !
L'histoire, c'est celle du Journal d'Aglaia, un personnage bien trop réel : une jeune fille de 14 ans, habitant La Rochelle, qui débarque soudainement à Paris, qui entretient plusieurs amours torrides, une aventure en filigrane avec une copine... Bref, le vrai roman à l'eau de rose des temps modernes. Tout cela posé sur un journal intime avec achat d'un nom de domaine. Des rebondissements à foison : le cousin qui découvre la teneur du journal en ligne il y a quelques mois... Tout cela est bien construit... Trop vrai pour ne pas sonner faux !
Seul hic, tous ces petits détails accumulés et surtout un français à l'écrit parfait. On fourche très rarement sur la grammaire et encore moins sur l'orthographe ! Tout ceci jusqu'au 12 juillet dernier où la vérité est mise au grand jour sous le titre Imagination :
"Bonjour à vous,
Je dois vous dire quelque chose. Ce journal est imaginaire. Aglaia n'existe pas ailleurs qu'en moi-même. J'ai inventé cette histoire au fil des jours et des mois, j'ai inventé ces personnages, ces décors, toutes ces petites choses-là.
J'ai commencé ceci en août dernier, plus ou moins par hasard. Je voyais une jeune fille, je voyais La Rochelle, et c'est à peu près tout. Puis j'ai vu sa famille, ses parents et tout le reste. Je lui ai donné un bon et brave chien, je l'ai faite partir à Paris, et vous connaissez la suite. Enfin ça ne s'est pas déroulé tout à fait ainsi. Aglaia, je n'ai fait que l'inventer au départ. Le reste est venu tout seul, un peu comme si elle vivait d'elle-même, et que je ne faisais que retranscrire.
Certes, je vous ai trompés, menti. J'aurais pu le dire dès le début, que c'était imaginaire. Pourquoi ne l'ai-je pas fait ? Tout simplement parce que je n'en voyais pas l'utilité. Pourquoi lisez-vous cette histoire ? Quelle différence cela fait-il que ce soit inventé ?
Et moi qui suis-je ? Je ne vais pas le dire, pour la même raison. Peu importe qui je suis, peu importe la part de vérité et la part de fiction dans ce journal.
Et je vais continuer d'écrire. Pas question que j'arrête. D'une part parce que l'histoire n'est pas terminée. J'ai encore quelques personnages importants à faire intervenir, quelques petites choses à raconter. Il faut bien qu'il y ait une logique, un fil conducteur, une fin…
Et la deuxième raison, ben c'est que je ne pourrais pas… Elle me tient bien trop à cœur, cette gentille Aglaia… Ca me briserait le cœur de tout arrêter. J'aurais l'impression de la suicider, de la renvoyer dans sa tombe, elle pour qui la vie est si importante.
(...)
Je présente mes excuses aux quelques personnes qui ont longuement échangé avec moi par mails. Ce sont ces personnes-là qui doivent se sentir le plus trompées aujourd'hui. Pourtant, qu'elles sachent que je n'ai jamais souhaité tromper qui que ce soit. Je continuerai de signer mes mails en tant qu'Aglaia, et d'écrire pour elle. Je jouerai le jeu jusqu'au bout, y compris en privé, dans mon courrier."

Un an à jouer un personnage sur un blog, OK ! Un an à jouer un personnage par mél auprès de lecteurs assidus, ceci est beaucoup plus discutable...
Depuis, pour biaiser le tout, rien n'indique en page une de ce journal intime que Aglaia est un personnage de fiction... Quel nouveau lecteur va parcourir l'article du 12 juillet 2002 parmi tant d'autres pour découvrir le pot aux roses !
La confusion entre fiction et réalité continue donc à être savamment orchestrée ; comme témoigne ce message en première page : "J'ai reçu énormément de mails ces derniers jours. Je répondrai à tout le monde, c'est la moindre des choses, mais laissez-moi le temps, merci..." Le "je" désigne bien sûr le personnage de fiction Aglaia.
Plusieurs blogueurs ont réagi dont Alain dans un vibrant article du 16 juillet intitulé : "Besoin de vérité".
Il exprime une opinion que je partage là bien volontiers :
"Ecrire un roman c’est une chose, chacun sait que les personnages sont… des personnages. Mais faire croire qu’une personne existe en chair et en os, cela ne peut pas être simplement un jeu. Et en tout cas il est pervers. (au sens psy du mot : Le pervers s'imagine être l'Autre pour assurer sa jouissance.) Ainsi les lecteurs sont-il considérés comme des objets, utilisés par l’auteur pour assouvir son besoin. Dans le cadre « privé » de relations individuelles, à chacun de vivre ce qu’il peut ou veut… Dans le cadre « public » qu’est un blog lisible par la planète entière, je m’interroge… tout est-il permis ? admissible ?"
En tous cas, cet épisode donne à réfléchir sur les limites entre fiction et réalité et nous invite à prendre plus de recul par rapport à ce qu'on lit communément !

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