Blogue d'actualite du blogue et d'ailleurs sur le Web... Blogue mémoire en ligne depuis 2003... Précurseur en son genre, ce "blogue de liens" existe depuis la nuit des temps (en âge blogosphèrique). À sa naissance il participa aux grandes lignes de l'infernale blogosphère, puis des remous virtuels le firent tanguer sans arriver à le faire sombrer. Il se retrouva en ces eaux paisibles d'où il vogue désormais sans peine ni tracas...

19 octobre 2003

Déchirements… (en direct de Bagdad)

Il nous restait quelques cartons que nous destinions à la famille et aux voisins de Qassem, un des serveurs de notre hôtel avec qui nous avions lié amitié. Ce matin donc, Dalila, Hayssam et Qassem partent pour un quartier de Saddar City : une heure de circulation dans les rues et d’embouteillages pour y parvenir. Sur place, les demandes affluent parce que les besoins sont énormes. Dalila, au nom d’ABIR, ne peut y répondre à cause de notre infrastructure insuffisante. Sans doute dans l’avenir le pourrons-nous…

Pendant ce temps, avec Myriam et Evelyne, nous mettons de l’ordre dans nos affaires. Textes, photos, détails qui nous reviennent en tête sont consignés sur papier ou sur ordinateur. Vers 12h00, je décide de faire un tour au check-point afin de m’imprégner de l’atmosphère et de prendre quelques photos, les dernières de ce dispositif militaire. Trois GI’s sont postés aux alentours de la zone de fouille. Je contourne les blocs de béton, appareil photo à la main. Lorsque je croise le regard d’un des GI’s, je vois bien son air réprobateur. « Est-ce que je peux prendre quelques photos ? » De la main il me fait signe que non. Je lui réponds que c’est « OK ! ». Je reviens sur mes pas et me place derrière les blocs de bétons de un mètre de haut. Et je commence à observer. Ce que je ne pourrai révéler par les photos, je le ferai par les mots. Sans doute intrigué par ma présence insistante, il vient vers moi et me demande ce que j’attends ici. Je lui dis que je suis là pour regarder, simplement. « Si vous prenez des photos, je vous confisque votre appareil ! ». « Ok, j’ai compris ! ». Je reste encore quelques secondes puis je m’éclipse calmement… Je me dis alors que du toit de l’hôtel, je pourrai peut-être faire des clichés. En prenant toutes les précautions, j’arrive à cadrer quelques scènes…

A 13h00 Dalila revient avec Hayssam. Nous descendons pour déjeuner. Nous avons invité Oum Aya, sa fille et Hayssam à manger avec nous. La scène est émouvante… Les ondes qui pressentent notre départ sont déjà là. Oum Aya est émue et cache quelques larmes. Nous sommes émus aussi. Nous faisons des photos de groupe en souvenir que j’imprime à partir des ordinateurs de l’hôtel. Oum Aya repart avec une photo noir et blanc (l’imprimante n’est pas couleur) de nous tous avec elle et sa fille au milieu. Puis, la ronde des "au revoir" commence. Cela n’a rien d’évident. Nous nous serrons dans les bras et comme pour conjurer "l’adieu", nous nous promettons de nous revoir dans quelques mois. C’est ce que je souhaite au plus profond de moi…

Derniers échanges avec le personnel de l’hôtel sur la situation de l’Irak et les spéculations sur l’avenir proche ou lointain : c’est égal, pourvu qu’on en parle…

Alors que nous montons une nouvelle fois sur le toit pour photographier le coucher de soleil sur le Tigre, nous voyons, en bas, dans la rue, Oum Aya qui montre la photo imprimée à d’autres enfants et femmes des rues… Nous aussi, cette photo, nous la montrerons sûrement à nos proches. Nous rentrons. Il nous faut tout préparer pour notre voyage de demain qui va être long. Nous le connaissons déjà, avec tous ses risques. Sans doute aurons-nous la tête ailleurs, le regard fixe à repasser les uns après les autres tous les visages que nous avons rencontrés. C’est, du moins, ce qui se passera pour moi. Je ne serai probablement pas le seul…

« Ma’a Ssalama Bagdad ! »

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