Blogue d'actualite du blogue et d'ailleurs sur le Web... Blogue mémoire en ligne depuis 2003... Précurseur en son genre, ce "blogue de liens" existe depuis la nuit des temps (en âge blogosphèrique). À sa naissance il participa aux grandes lignes de l'infernale blogosphère, puis des remous virtuels le firent tanguer sans arriver à le faire sombrer. Il se retrouva en ces eaux paisibles d'où il vogue désormais sans peine ni tracas...

18 octobre 2003

Les attentes d'un peuple (en direct de Bagdad)

9h15 ce vendredi, jour de repos et de prière pour les Irakiens, nous roulons vers l’entrepôt où se trouvent les derniers cartons que nous allons donner à l’association "Al-Amal" (l’Espoir). Il y a beaucoup moins de voitures dans les rues. L’air est toujours aussi difficilement respirable. Haïtham semble fatigué. Il a veillé jusque tard dans la nuit car il était invité à un mariage. La voiture de l’association nous suit avec Hanaa Edward à son bord. Sur le trajet, que je connais bien à présent, nous croisons toutes sortes de vendeurs installés au bord du trottoir. Les uns fournissent des cigarettes, d’autres de l’essence, d’autres encore font office de "change", des liasses de Dinars irakiens empilées sur des tables de fortune. Nous croisons également des blindés américains qui sillonnent la ville…

A ce stade de notre séjour, nous avons donc pu observer la vie dans la rue et recueillir les impressions de beaucoup d'Irakiens et d'Irakiennes. Notre sentiment est que certains médias restituent une image de ce peuple incomplète et défavorable en mettant l'accent sur les attentats. La réalité quotidienne du peuple irakien réside en fait dans la pression, la tension constante causée par la guerre et par l’occupation des forces de la coalition. Celle-ci attise la fibre nationaliste des plus radicaux mais ils ne sont pas majoritaires. Et puis, il y a ces milliers de criminels qui ont été libérés… Force est donc de constater que l’intervention militaire a semé le chaos. Qui aurait pensé le contraire ?

De nombreux Irakiens et Irakiennes que nous avons rencontrés sont totalement désemparés. Les disparités se radicalisent. Le niveau de pauvreté augmente. C’est en prenant le pouls auprès des petites gens, celles et ceux qui ne font pas "l’événement", que l’on comprend les souffrances mais surtout les attentes de ce peuple en termes de paix, de reconstruction politique, sociale et économique. « Un travail, la sécurité et la paix », telles sont ses préoccupations principales… Pour essayer de reconstruire cette paix et cette société, certaines personnes au sein d’organismes et d'associations, comme "Al-Amal" en ce qui concerne les droits des femmes, proposent des solutions contenues dans des projets d’éducation, d’information et d’aide matérielle par l’élaboration de centres destinés à accueillir les actrices et les acteurs du changement. Cela aussi est une réalité qui commence à se faire jour dans Bagdad et dans quelques villes d’Irak. Ainsi, nous avons passé près de 3 heures au sein de l’association ce matin pour déterminer la manière dont "ABIR" pourrait contribuer à l’amélioration de la vie de quelques Irakiens et Irakiennes en particulier, en les aidant à obtenir la place qu’elles réclament et qui est essentielle. Les projets sont multiples…

Cet après-midi, nous apprenons que quinze personnes ont été arrêtées par l’armée américaine à Saddar City, anciennement "Saddam City". A Karbala, des représailles menées pour protester contre cette arrestation ont fait trois morts chez les soldats américains. Certains médias ont omis de mentionner deux autres policiers irakiens, morts également pendant leur service… Nous apprenons aussi que les deux chaînes d’information arabes "Al Jazeera" et "Al Arabia" sont depuis peu surveillées par les Américains et qu’elles risquent des amendes pouvant s'élever jusqu’à 50 000 dollars si elles divulguent des informations non préalablement autorisées par les autorités de la coalition…

Ce soir, nous avons revu Oum Aya et sa fille ainsi que quelques enfants des rues. Evelyne a soigné la plaie d’un des garçons. Dalila et Myriam ont apporté des habits à la mère et à sa fille. Nous la mettrons dès demain en relation avec Hanaa Edward. Oum Aya pleure par intermittence dès qu’elle pense que nous allons repartir. Nous avons des projets pour elle, pour qu’elle s’en sorte, elle et ses enfants. Elle le souhaite elle aussi. Merveilleuse femme…

De retour dans notre appartement, Dalila, Evelyne, Myriam et moi avons échangé nos impressions sur notre séjour. Nous avons plein d'idées que nous concrétiserons dès notre retour en Europe. La nuit tombe. Demain, nous effectuerons les dernières actions prévues avant notre départ. Départ qui nous laisse une montagne d’espoir et un déchirement infini dans le cœur. Une infime partie de ce peuple compte sur nous. Qui s’occupera de tous les autres ?

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