"(...) Cette nouvelle organisation est rendue possible par la rupture qu'introduit l'utilisation du téléphone portable dans l'unité communicationnelle espace-temps: il n'est plus nécessaire d'être spatialement situé pour communiquer simultanément. Le sans fil permet de ne plus être lié au lieu. Il permet, en particulier, de ne pas être présent au bureau, du moins dans les cas où la présence n'est motivée que par la nécessité d'une permanence téléphonique (...)."
Autre page intéressante que le résumé de l'intervention du même enseignant-chercheur pour le colloque Les sens du mouvement - Modernité et mobilités dans les sociétés urbaines en juin dernier à Cerisy (50 - France) :
"Francis JAURÉGUIBERRY : Le cocooning téléphonique des hyper-mobiles
La frénésie télécommunicationnelle des branchés du portable rend bien compte du double mouvement, apparemment contradictoire, qui définit la vie agitée de l’individu contemporain. D’un côté, la société paraît de plus en plus éclatée. La gestion du quotidien ressemble à une espèce de zapping occupationnel entre plusieurs lieux, tâches, rôles et passions. Il y a longtemps que contiguïté physique n’est plus synonyme de partage identitaire. Les lieux d’investissement social et de vécu affectif s’éloignent, les trajets s’allongent, les rencontres s’espacent. Parallèlement, le temps s’accélère et devient discontinu. Il est brusqué afin de répondre aux impératifs de l’urgence, de la simultanéité et de l’immédiateté. Désormais privé de centre stable, le cercle social d’appartenance, qui définissait assez bien l’individu jusqu’à peu, disparaît au profit d’un ensemble de bulles identitaires et occupationnelles plus ou moins éphémères et le plus souvent sans grande surface de recoupement entre elles. Dans la gestion de cette hétérogénéité, le portable arrive sans doute à point nommé. Il permet de passer immédiatement d’une " tribu " à une autre, de densifier le temps, d’intensifier les déplacements, de multiplier les opportunités, de coordonner les occupations. En somme, il permet d’être plus efficace d’un point de vue utilitariste. D’un autre côté, et de façon apparemment contradictoire, l’individu contemporain cherche un principe d’unité et de permanence que son zapping occupationnel ne cesse de rendre plus improbable. Il cherche un moyen de faire face à la fragmentation du vécu et à la dispersion identitaire qui menacent son équilibre. Dans cette quête, le portable peut faire office d’outil en donnant l’impression d’un recentrage et d’une continuité. Pour son utilisateur, il restaure en effet le lien là où la distance, l’éparpillement et l’anonymat l’ont supprimé. Dans son nomadisme, le branché n’est plus seul. Où qu’il soit, il peut désormais appeler ses " proches " physiquement lointains. À la succession des situations, à l’éphémère des rencontres et à la brutalité de l’urgence, le branché oppose une " continuité hertzienne ", un " lieu médiatique " où il peut se ressourcer, l’instantanéité des connexions permettant de supporter l’immédiateté des changements."
Ce même chercheur a publié en mai dernier un ouvrage rare aux Presses Universitaires de France : Les branchés du portable (sociolologie des usages).
Une critique de cet ouvrage est proposé sur le site suisse Largeur.com : Le mobile crée de nouvelles formes d'inégalités.
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