"Imparti[e]l
Voila.
L'épreuve de droit commence; les copies sont distribuées, je jette un oeil. Sourire. L'examen promet d'être intéressant. Un ami m'a très justement fait remarquer que je devrais profiter de mon insouciance volontaire pour écrire quelques perles. J'avoue que l'idée m'a charmée, mais un défi bien plus alléchant s'offrait également à moi: dépasser mon brillantissime résultat obtenu précédemment en économie, à savoir 2/20. Comble de l'ironie, j'avais pourtant révisé. Mais quoi, comme certains ne comprennent rien à l'extase de la prose, je ne saisis pas toute la subtilité des théories capitalistes, socialistes, hindouistes et j'en passe.
J'en reviens donc à mon défi. Comme devant toute copie insolemment blanche, la plume me démange. Doucement, je la laisse glisser sur le papier en vagues irrégulières, sismographe visuel de mots dessinés. C'est décidé: cette copie sera un chef d'oeuvre d'écriture d'invention juridique, ou ne sera pas.
La première question porte sur l'arbitrage en matière de justice privée. Courte seconde de réflexion. "L'arbitrage en domaine de justice privée oppose générallement deux parties dont les revendications sont contraires, ou tout du moins différentes." Début follement prometteur: on sent le barratin annoncer son entrée. Mais déja mon esprit divague, tandisque l'encre décrit à mon insu un délire cinématographique en guise d'exemple. J'évoque avec un sérieux exemplaire le superbe cliché américain de l'épouse bafouée réclamant à son mari un "dédomagement matériel en compensation des dégats sentimentaux causés". L'image d'Ally Mc Beal et de ses célèbres minis jupes me viennent également en tête, mais je chasse courageusement cette magnifique vision: il me faut rester un minimum crédible.
La seconde partie de l'examen est constituée de questions semblant tout droit sorties d'un cerveau de poulpe avarié. "Qu'est-ce qu'un créancier chirographaire?" Ca vous laisse perplexe? Moi, ça me méduse. "Qu'est-ce que les immeubles par destination?" ...Gne?! Qu'est-ce que de l'immobilier vient faire là? Cette fois-ci, la tentation se fait trop forte. Ma plume ose, au diable la crédibilité. "Aucune loi n'en est jamais revenue..." Mon devoir prend désormais les allures de bande annonces d'un thriller télévisé. Si le pauvre type chargé de me corriger n'avait pas encore compris que je n'ai jamais rien entendu à leur charabia juridique, il était enfin temps que cesse la supercherie. Telle une fraise -avouez que c'est meilleur- dominant fièrement la pièce montée des marriés, la dernière phase de l'examen; dont le thème plus que douteux n'était autre que "Les vices du consentement en matière contractuelle", s'érige grand vainqueur de mes délires universitaires.
Mea culpa, comme dirait l'autre...
"C'est dans la contractualité que s'exprime toute la lubricité des lois érigées: la justice est corruptible autant que la perversion est humaine."
Finalement, je ne suis qu'un de ses nombreux philosophes incompris égarés en filière économique et linguistique. Et, à bien y réfléchir, je le serai plus encore lorsque, jeudi, il s'agira d'exprimer le tout en... japonais.
[Owari da]"
Posté le 25 mai 2004.
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