"Il est minuit, Dr Thomas
La nuit, dans les villes comme dans les campagnes, les «blogs» s'immiscent dans les maisons, les chambres et dans les esprits.
Chariée sur le réseau des réseaux, l'ombre des mots court les rues silencieuses, les bois bossus, entre dans les têtes des amoureux et des lapins, flotte au-dessus de la mer noire-prunelle agitée de bateaux de pêche.
Il est zéro heure dans mon village.
Les claviers sont sourds et les écrans aveuglent. Les jeunes filles gisent, mollement alitées. Les garçons font des rêves méchants. Les chiens aux nez humides grognent dans les cours. Le flot diurne des mots s'est tari. On peut entendre la rosée tomber, et respirer le monde silencieux. L'herbe pousse en cachette sur la montagne du Roule, tandis que les oiseaux dorment. L'estaminet de Lubat est aussi muet qu'un domino.
Par les fenêtres : chambres douillettes de bébés. Combinaisons-culottes et jupons sur les chaises, brocs et cuvettes, verres à dentiers, portraits jaunissants des morts attendant le petit oiseau qui va sortir.
Derrière les yeux des dormeurs : les mouvements et les pays et les labyrinthes et les couleurs et les consternations et les arcs-en-ciel et les airs de chansons et les désirs et les envolées et les chutes et les désespoirs et les mers immenses de leurs songes.
Seul, le père Thomas, expatrié fantomatique du pays de Llaregub, tapote fébrilement des requêtes googleéennes, couvert par son transistor qui joue Bob Dylan en sourdine :
Est-ce qu'il y a toujours du rhum et du pain d'algues ?
Des gorges et des rouges-gorges ?
Des accordéons ?
Des bagarres et des oignons ?
Des moineaux et des pâquerettes ?
Du babeurre et des lévriers ?
Du linge sur la corde ?
Des vieilles bonnes femmes au bistrot ?
Quand elle sourit, a-t-elle des fossettes ?
Quelle est l'odeur du persil ?
Et il s'endormira à l'aube, aux premiers bruissements des flux lactés des RSS."
Posté le 3 juillet 2004.
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