J'ai découvert ce mot au milieu des Années 80. A l'époque, c'était Laurent Brumhead et ses émissions scientifiques à 20h30 sur la télévision publique française qui parlait du mal, sans trop en dire, parce qu'on ne savait pas tout. Les chercheurs français faisaient de la vulgarisation à tout va. Et puis des images des malades : terrifiantes, extra-terrestres... Et enfin des noms de célébrités infectées qui en succombent : Klaus Nomi, Aron, Michel Foucault... Le monde s'ouvre et découvre que la sale bête touche tout le monde.
Début des années 90, ils sont 3 ; 3 camarades de classe de l'école primaire qui décèdent du SIDA... La maladie est bien là, je la palpe ; la mort touche forcément lorsqu'elle est proche. La toxicomanie aura eu raison de ces jeunes hommes d'à peine 20 ans qui jouaient avec moi et d'autres dans une cour d'école de la banlieue parisienne 10 ans auparavant. Triste destin. Que faire ?
La vie est faite de rencontres inattendues. Au début des années 90, je rencontre O. (j'ai décidé de préserver son anonymat). Ensemble, nous vivrons l'épisode de la dernière station de radio pirate de Paris. Ensemble, on a rencontré des gens merveilleux... O. est mon meilleur ami et O. est un individu fragile...
O. est séropositif. Je le vois chaque jour avaler, à heures fixes, ses cachets, une quantité incroyable de médicaments (ce qu'on appelle communément la trithérapie). Je vois O. avoir des maux terribles alors qu'il s'assiste à une pièce de théâtre. Je le revois en dépression et arrêter sa trithérapie car son corps refuse cet acharnement de médicaments).
Je vois aussi O. ne jamais se plaindre, cacher à l'assistante sociale ce qu'il a. Je sais qu'il ne mange pas à sa faim tous les jours. Je vois le rejet des gens, qu'on n'est forcément différent des autres lorsque la séropositivité s'est installée en vous, et qu'elle ne se délogera pas. Je découvre aussi que SIDA et pauvreté peuvent rimer et que cela est un véritable enfer.
O. et son double... Cela fait maintenant 13 ans. La moitié d'une génération. Il vit avec le mal. Son estomac continue à supporter (et je ne sais comment) cette tonne de pilules... Pour combien de temps encore ?
O. ne m'a jamais parlé de sa séropositivité.
Pudeur de dire.
Envie d'exister et d'agir.
O. lutte contre lui-même et pour lui, pour les autres...
O. vit.
Billet composé dans le cadre de LinkAndThink.
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